Par notre envoyé spécial à Strasbourg, Ludovic MauchienL’inénarrable double médaillé olympique (2000, 2004) est magnifiquement sorti de sa retraite. Pascal Gentil s’est en effet adjugé un 15e titre national à Strasbourg, le 5 février dernier, après deux ans d’absence.Christopher Dubois pour sa combativité, Arnaud Sangue pour son retour probant et, chez les filles, Yasmina Aziez, Maeva Coutant et Faiza Taoussara pour leur vista, font de beaux champions de France 2011.
« 15 titres, c’est beau, non ? Comme ça, ça fait un chiffre rond », devisait gaiement Pascal Gentil quelques instants après sa finale victorieuse, micro en main puis face aux caméras. « Mon patron à Veolia, Jorge Mora, m’avait lancé un défi (voir aussi page 40). Je me suis entraîné pendant trois mois à raison de six heures par jour. J’étais ici pour gagner. Et quand je me fixe un objectif, je ne lâche pas. »
Il était parti sur un ultime sacre national, en février 2009. Le triple champion d’Europe (1996, 98, 2006) est donc revenu deux ans après, à 37 ans, officialisant sa participation au dernier moment. Dans quelle condition physique allait-il se présenter ? Quel visage allait-il montrer, celui du coupeur de têtes des années 2000 ou celui d’un quasi quarantenaire ? Tiendrait-il la distance face à Mickaël Borot dans la finale annoncée et impatiemment attendue ?
Aux deux premières questions, Pascal Gentil répondit de la plus belle des manières, balançant les jambes comme au bon vieux temps. Tolyo Tchagui (coup de pied marteau), Nelyo Tchagui et même un Mondolyo Tchagui (coup de pied retourné), tout l’attirail y est passé. « Quand il est arrivé de Chine il y a trois semaines, il était en super forme ! », raconte Jean-Pierre Sicot, son entraîneur à St-Raphaël. « J’ai retrouvé le Pascal des années 2000-2004 ! A l’entraînement, il me faisait des Bandal sautés… Il était vraiment très bien. Puis il s’est blessé… »
Gentil, la ballade du gent heureux
Huit jours pile avant les Championnats, le vendredi 28 janvier. « Des amis de France Télévision sont venus me filmer et, en exécutant un mouvement, je me suis fait une déchirure de l’aponévrose. Je ne pouvais plus marcher ! Je me suis soigné au centre médical sportif de St-Raphaël jusqu’à mercredi. Je ne me suis entraîné qu’hier (lire le vendredi 4 février) », souriait l’intéressé.
Cela ne s’est pas vraiment vu. Peut-être dans son premier combat, un 8e de finale face à son ancien sparring des J.O. 2008, le Franco-Sénégalais Seyni Ndiaye. Un client, celui-là ! Pascal Gentil s’est montré prudent et rusé, cassant la distance, empêchant son adversaire de développer son Taekwondo. « Il m’a bien pris », reconnaissait Ndiaye. « C’était du bon boulot. Il faut dire qu’il me connaît bien. Mais Pascal m’a paru en bonne forme. »
L’œil du Tigre s’est éclairé en ¼ de finale. Le fauve était lâché et le pauvre Régnier en vit de toutes les couleurs. 14-2 au final. Puis Pascal Gentil s’imposa à nouveau facilement contre El Yazidi (0-4). Ca y est, il était en finale. Contre Mickaël Borot bien sûr. Malheureusement non, et ce sera la grande frustration de ces Championnats. En ¼ de finale, sur un coup de pied de Thomas Asquoët, l’avant-bras du double vice-champion du monde casse (des examens ultérieurs révèleront une fracture du cubitus avec déplacement, un mois d’arrêt minimum).
Borot combat le bras cassé
Mickaël Borot remporte tout de même son combat (6-1). Surprise : il s’aligne ensuite en ½ finale, le bras enserré dans une attelle. Un combat dont on va longtemps se souvenir tant il est allé au bout de son courage. 1-1 au début du 3e round. 1-4 à 1’24’’ de la fin. A 17 secondes de la fin, Mickaël Borot sort un Nelyo (coup de pied circulaire) à la tête ! 4-4. Il prend l’avantage à 5 secondes (5-4) puis Mathias Maizeroi égalise à 3 secondes de la sirène (5-5) avant de marquer un ultime point sur le gong qui nécessitera l’arbitrage vidéo (5-6). Le héros est vaincu.
« J’ai fait ce que j’ai pu », souffle-t-il quelques minutes après. « Mais je ne pouvais plus tendre le bras… Je suis très, très frustré. J’aurais vraiment aimé affronter Pascal… Quand il a annoncé qu’il voulait un 15e titre, je me suis dit que c’était impensable car j’étais sur sa route. »
Mais, après une séance d’autographes dans les travées du Hall Rhénus, Pascal Gentil s’est fait sa finale sans son meilleur ennemi, tuant tout suspense dès le 1er round grâce à deux Nelyo au visage (7-1), dominant finalement Mathias Maizeroi, 8-1. Reste désormais à savoir si, comme il l’affirme et le ré-affirme, ce retour était un one shot, son « jubilé », ou si Pascal Gentil va de nouveau avoir des fourmis dans les jambes. A trois mois des Championnats du monde (1er-6 mai en Corée) et cinq des qualifications olympiques mondiales (30 juin-2 juillet en Azerbaïdjan), ce retour tombe en tout cas à point nommé. Ce ne peut être qu’un fruit du hasard…
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