L’UFC 120 à Londres a rassemblé 17 000 spectateurs le 16 octobre
Bienvenue dans le monde merveilleux de l’UFC. Le 16 octobre, Londres accueillait le 120e du nom. Pour la première fois, deux Français combattaient dans la même affiche. Mais ni Cheick Kongo (match nul), ni Cyril Diabate (défaite) ne se sont illustrés dans cette soirée qui, d’un point de vue combats, ne restera pas dans les annales. Les moments phares : la victoire de l’Anglais Bisping face au Japonais Akiyama et la défaite par K.O. de Dan Hardy contre Carlos Condit. A quoi ressemble un week-end UFC ? Que se passe-t-il en coulisses ? C’est comme si vous y étiez…Par notre envoyé spécial à Londres, Ludovic Mauchien
23 h, le samedi 16 octobre. Les onze combats de l’UFC 120 viennent de s’achever sous les yeux de David Haye, le champion du monde de Boxe anglaise, de footballeurs d’Arsenal tel l’international français Bacari Sagna et de… 17 000 spectateurs. L’immense majorité est anglaise évidemment. Mais Espagnols, Italiens, Français bien sûr, et même Polonais, ont effectué le déplacement. Un UFC est un événement, surtout en Europe, qui n’accueille qu’une soirée par an, du moins pour l’instant.
Dans l’antre de la magnifique O2 Arena de Londres, Dana White, le boss haut en couleur de l’UFC, est content et il le dit, d’un ton ferme, voire sans réplique. Les combats ont été impressionnants, les combattants super. En conférence de presse, c’est lui qui prend la parole en premier et la garde un bon moment. Les questions, dans un premier temps sur la soirée, dévient rapidement sur le business.
L’UFC en Pologne ? Dana White rit. « Non, je vais être franc, ce n’est pas l’un de nos objectifs. » A l’UFC, on parle surtout marchés et marketing et on ne s’en cache pas. C’est l’école américaine appliquée par deux kids de Las Vegas, Dana White, ancien promoteur de Boxe anglaise, et Lorenzo Fertitta, propriétaire de casinos dans la « Ville du péché » (« Sin City »), qui se sont rencontrés sur les bancs du lycée dans les années 80.
Objectifs : Asie et Inde
Objectifs prioritaires : le marché asiatique puis l’Inde – « Nous travaillons dessus. L’Inde est un gros marché, 300 millions en potentiel » – et l’Europe (voir p.20). « J’ai entendu dire : il y a trop de MMA ! Certainement pas ! (« Hell, no ! »). Il n’y a aucun pays au monde que nous ne pouvons pas avoir », s’exclame Dana White devant les quatre combattants qui se sont installés au fil de son discours.
L’Anglais Dan Hardy met un peu d’ambiance. Le « hors la loi », son surnom, vient pourtant de prendre un K.O. par l’Américain Carlos Condit (-77 kg). Donné favori, le truculent Iroquois de Nottingham a fait le show devant son public lors de son entrée. Manque de concentration ? En tout cas, l’Anglais, dans un combat qui se déroule exclusivement debout, se fait surprendre dès le 1er round par un enchaînement ‘’direct du droit-crochet gauche’’ qui le sonne et le déséquilibre. Carlos Condit suit au sol et assène deux directs droite-gauche qui infligent à Hardy un sévère K.O. et sa deuxième défaite d’affilée (après celle contre Mister Georges St-Pierre).
« Mon avenir ? Un mal de tête ! »
Le prochain combat de Dan Hardy ? Dana White n’aura pas le temps de répondre. « Un mal de tête », lâche l’intéressé dans un grand sourire avant de poursuivre en rendant hommage à son vainqueur : « It was a good punch, man ! Congratulations » (C’était un sacré coup de poing ! Félicitations !). Carlos Condit, personnage très posé au discours lissé, sourit.
Arrive Mickaël Bisping, la star du jour, qui revient sur sa soirée. Comme à l’accoutumée, l’UFC a mis sur pied un combat vedette, quatre combats principaux et six joutes préliminaires. Bisping vs Akiyama (-84 kg) était l’affiche de la 120e édition. L’Anglais est le produit phare de l’UFC Outre Manche. A 31 ans, il compte 19 victoires (dont 12 K.O.) pour 3 défaites et poursuit son ascension vers la Ceinture, le titre suprême. Cette joute face au Japonais Yoshihiro Akiyama est une étape importante pour lui. Et est conçue dans l’esprit originel de l’UFC, celui de l’opposition pure de styles : frappeur contre lutteur.
L’Anglais est un pur produit « Mixed Martial Arts » et est réputé pour son punch. Akiyama est un Judoka d’origine, ancien membre de l’équipe nationale du Japon. En 2003, après avoir défrayé la chronique aux championnats du monde où il parvient en demi-finale (ses adversaires l’ont accusé pour la 2e fois de tricher en utilisant un Kimono glissant. Il fut blanchi par la fédération internationale), le natif d’Osaka se met au MMA. En débarquant à Londres, il compte 13 victoires (dont 7 soumissions et 5 K.O.) pour 2 défaites.
Akiyama fan d’opéra
C’est l’ultime combat de la soirée. A cet instant, aucun Anglais n’a triomphé. L’ambiance monte (enfin) d’un cran. Jusque ici, seul Dan Hardy a fait monter les décibels. Mickaël Bisping entre dans l’arène sur fond Heavy à « donf’ ». Akiyama, habillé en Kimono, a lui choisi… de l’opéra, « Con te Partiro », interprété par Andrea Bocelli. Ca fait son effet et le Japonais s’est rendu sympathique aux yeux de certains, ce qui peut être utile dans une ambiance hostile. Des applaudissements surgissent même, dans cette salle acquise au héros anglais.
Très solennellement, le Japonais effectue le salut traditionnel avant de pénétrer dans la cage. Après Bocelli, c’est un concert de percussions que propose Akiyama. Surprise ! Il veut prendre l’Anglais sur son terrain. Il n’y parviendra pas. Les juges déclarent Bisping vainqueur à l’unanimité (30-27, 30-27, 30-27). Logique même si l’Anglais aurait pu être disqualifié pour un coup, certes involontaire, dans les parties du Japonais interrompant les hostilités pendant plus de deux minutes. Dans un combat qui s’est aussi déroulé quasi exclusivement debout, Akiyama a su se montrer dangereux par instant et proposa plus de variétés techniques mais Bisping fut plus percutant et plus précis. L’honneur anglais est sauf !
Les 2 Français en dedans
Ce qui ne fut pas le cas des Français. Pour la première fois dans l’histoire de l’UFC (1), deux d’entre eux participaient à l’événement. Cheick Kongo (35 ans ; 1,92 m ; 109 kg ; 13e combat à l’UFC) et Cyrille Diabate (36 ans ; 1,97 m ; 97 kg ; 2e combat).
C’est ce dernier qui est entré en scène le premier. Il est encore sur la carte des combats préliminaires, au début du scénario. Pour sa première apparition dans l’Octogone, le 29 mai à Las Vegas, il fit très forte impression. Le Français battait par K.O. Luis Cane à la surprise générale. Londres devait être la confirmation. Malheureusement pour lui, Cyrille Diabate (-93 kg) n’est jamais entré dans le combat et a subi les assauts du jeune loup suédois, Alexander Gustafsson (23 ans), avant de succomber sur un étranglement arrière au 2e round.
Le Scandinave était à sa portée. Plus fort en pieds-poings (il fut 4 fois champion du monde de Boxe thaï), théoriquement plus fort aussi au sol, le Français avait les faveurs des pronostics. Mais il ne fut pas assez agressif, se fit déborder et toucher. Il perdit de sa lucidité et finit par se faire piéger au sol. Une immense déception.
Diabate : « C’est de ma faute »
Absent de la conférence de presse où seuls les combattants anglais étaient présents, le champion-entraîneur de la Snake Team (à Epinay/Seine, 93) livrait ultérieurement : « C’est de ma faute. J’ai fait pas mal d’erreurs, notamment pendant la préparation de mon combat. Mon adversaire, lui, était à 100%. Et, à ce niveau, soit tu es à 100%, soit tu perds. Je n’ai jamais été dans le combat et, dans ces cas-là, tu subis. Pourquoi ? Pour plein de choses. Je ne veux pas entrer dans des détails perso mais j’en paie les conséquences. Je ne cherche pas d’excuse. Un combat, soit on le refuse, soit on se débrouille pour être à 100%. » Et il n’était pas à 100% notamment à cause d’un accident de la route subi à la fin août, dans lequel il a été victime du coup du lapin, ce qui l’a contraint à un break dans son entraînement. « J’ai encore mal à la nuque mais le jour du combat, avec l’adrénaline et l’excitation, ça va aller », confiait-il trois jours avant le rendez-vous. Cyrille Diabate a laissé passer une bonne occasion de s’affirmer dans le circuit élitiste de l’UFC (350 combattants sous contrat en tout) mais il aura à nouveau la chance de relever le défi. Il a signé pour quatre combats et seuls deux revers d’affilée dans les premiers combats peuvent s’avérer rédhibitoires contractuellement.
Ryan : « Un combat ennuyeux »
Cheick Kongo (-120 kg), qui restait sur une victoire face à l’Américain Paul Buentello le 21 mars après avoir subi deux défaites en 2009 (contre Cain Velasquez et Franck Mir, des clients !), s’est vu proposer le géant américain Travis Browne (2,01 m ; 114 kg). Un novice des soirées UFC qui affiche un CV vierge de défaites (10 victoires). A l’entrée de Cheick Kongo, sur la musique de Despo Rutti, des applaudissements se font entendre. Travis Browne, lui, est sifflé. « Kongo, il est fort et grand », rapporte Richard, un spectateur anglais. « Je l’ai vu combattre une seule fois, contre Mirko Cro Cop. Il est bon. »
Mais le Français ne fera pas honneur à sa réputation à la O2 Arena. Le leader du MMA tricolore apparaît sur le reculoir. Il esquive bien les coups de massue du bûcheron, attaque un travail de sape avec ses low-kicks mais n’avance pas, ne se lâche pas, ne prend pas de risque. Il est même averti pour accrocher le short de l’Américain. « C’est un combat ennuyeux », lâche Ryan, 21 ans. « Kongo ne fait que le minimum. S’il veut gagner, il doit faire plus. » Et cela ne suffira pas. Les juges décident d’accorder le match nul (28-28, 28-28, 28-28). Une décision qui sera critiquée par le boss, Dana White, qui voyait Travis Browne l’emporter.
Cheick Kongo : « Je m’en fous… »
« Je m’en fous », répondra Cheick Kongo. « Chacun possède son avis. Comme me l’ont appris mes confrères combattants, nul n’est toujours prophète. Qu’on aime ou pas mon combat, que les gens m’aient trouvé « molo », ce n’est pas mon souci. Personnellement, je suis super content. Ma blessure à l’épaule (dislocation de l’épaule droite) a rejailli il y a trois semaines et j’ai terminé ma préparation avec des séances de kiné tous les jours. Il est clair que mon truc était de gérer, de le mettre dans le rouge plus que je ne l’étais. Dès l’entame, j’étais diminué. Je voulais voir ce qu’il était capable de faire et quand j’ai vu qu’il était limité, je me suis plus lâché. J’ai trouvé les arbitres un peu trop durs. »
Son 13e combat à l’UFC ne lui aura pas porté chance. A 35 ans, le Français devrait encore combattre deux fois sous les couleurs de l’UFC. A moins que les voies du business, de moins en moins françaises, n’en décident autrement…
(1) 7 Français ont combattu à l’UFC : Kristof Midoux, Jess Liaudin, Samy Schiavo, Cheick Kongo, David Baron, Xavier Foupa-Pocam, Cyrille Diabate.
Les résultats complets Carte principale
77-84 kg : Michaël Bisping (Ang) b. Yoshihiro Akiyama (Jap), décision unanime.
70-77 kg : Carlos Condit (USA) b. Dan Hardy (Ang), par K.O. au 1er round (4’27’’)
70-77 kg : Mike Pyle (USA) b. Johan Hathaway (Ang), décision unanime.
93-120 kg : Cheick Kongo (Fra) et Travis Browne (USA), math nul.
70-77 kg : Claude Patrick (Can) b. James Wilks (Ang), décision unanime.Carte préliminaire
84-93 kg : Alexander Gustafsson (Sue) b. Cyrille Diabate (Fra), soumission par étranglement arrière, 2e round (2’41’’).
93-120 kg : Rob Broughton (Ang) b. Vinicius Queiroz (Bre), soumission par étranglement arrière, 3e round (1’43’’).
66-70 kg : Spencer Fischer (USA) b. Kurt Waberton (Ang), décision unanime.
84-93 kg : Fabio Maldonado (Bre) b. James McSweeney (Ang), K.O. 3e round (48’’)
66-70 kg: Paul Sass (Ang) b. Mark Holst (Can), soumission 1er round (4’45’’).