Pour son second film en 3D et sa deuxième aventure de Di Renjie, Tsui Hark revient au sommet de son art. Intrigue de palais, romance, fantastique et arts martiaux, le plus grand des réalisateurs chinois réussit un nouveau cocktail admirable propre à ravir le public le plus large.
La tombe de Di Renjie au temple du Cheval Blanc, à l’est de l’ancienne capitale Luoyang (province du Henan) est l’un des monuments les plus visité de Chine. Haut fonctionnaire impérial de la dynastie Tang, Di Renjie (630 – 700) avant de devenir le ministre le plus célèbre de la terrible impératrice Wu Zetian, exerça durant de longues années la fonction de juge. Cette partie de sa vie, peu développée dans les sources historiques qui nous sont parvenues, excita l’imagination des auteurs chinois. Des générations d’écrivains, projetant sur le jeune juge les capacités de déduction, les qualités de rigueur, de sagesse et d’honnêteté du vieux ministre transformèrent progressivement le personnage historique en héros de fiction. Une compilation anonyme de trois histoires du juge Di fut publiée au XVIIIe siècle sous le titre de Di Gong’an.
Le juge mène l’enquête
Gong’an, que l’on peut traduire par « affaire criminelle » désigne un type de fiction narrant l’enquête d’un magistrat sur un ou plusieurs meurtres mystérieux. Les deux plus célèbres héros de ces fictions écrites aux époques Ming (1368 – 1644) et Qing (1644 – 1911) furent deux personnages historiques, le juge Bao Qingtian (999-1062) et ce juge Di qui nous occupe. En 1949 à Tokyo, le diplomate et sinologue hollandais Robert Van Gulik publie une traduction anglaise du Di Gong’an sous le titre Celebrated Case of Judge Dee. En France, le livre sera publié chez 10-18 dans une traduction d’Anne Krief sous le titre : Trois affaires criminelles résolues par le juge Ti. Le succès est tel que l’année suivante, Van Gulik publie une suite en japonais, The Chinese Maze Murders, qui sera éditée en anglais en 1956. Une quinzaine de nouveaux romans sont ainsi rédigés entre 1953 et 1967, année du décès de Van Gulik. Depuis, de nombreux écrivains continuent de raconter la saga du célèbre juge – détective, en l’insérant généralement dans la chronologie établie par Van Gulik.
Le juge à l’écran
En 1974, la chaîne ABC diffuse Le monastère hanté, remarquable téléfilm adapté du roman homonyme de Van Gulik publié en 1961. Le réalisateur Jeremy Paul Kagan eut la bonne idée de faire appel à de vrais comédiens asiatiques, et non à des Européens grimés comme cela se pratiquait jusqu’à la fin des années 60. Après avoir réussit en 1991 le reboot de la saga de Huang Feihong, Tsui Hark s’attaque en 2009 au personnage de Di Renjie, avec la ferme intention d’établir une nouvelle franchise. Dans Détective Dee : le mystère de la flamme fantôme, Tsui Hark ramène le héros dans l’univers qu’il connaît le mieux celui du Wuxia pian, le film de combat chevaleresque. De la romance mythologique au polar glauque en passant par le film de Kung fu et la comédie culinaire, Tsui Hark a prouvé qu’il savait tout faire. Comme l’a déclaré Jean-Claude Van Damme qui tourna deux films avec lui : « Tsui aime changer à chaque film son point de vue de metteur en scène. C’est un challenge qu’il s’impose à lui-même ». Malgré sa versatilité, le réalisateur a toujours avoué sa préférence pour le Wuxia pian, genre qu’il a révolutionné à deux reprises au début de sa carrière, à la télévision en 1978 avec Golden Dagger Romance puis au cinéma en 1983 avec Zu, les guerriers de la montagne magique. Tsui Hark revitalise le genre en recourrant à des effets spéciaux dignes des productions d’Hollywood. « La culture Wuxia est une autre dimension nous apportant une forte émotion, une forte passion. J’ai toujours été fan des Wuxia pian. Ils nous donnent une vision rafraîchissante de ce que nous étions avant, des valeurs et de la façon dont nous regardons la vie ». Le soin que Tsui Hark apporte à l’écriture et à la direction artistique de ses films lui permet de remporter son pari. Non seulement auprès du public mais également avec la critique. Pour sa première incarnation de Di Renjie, Tsui Hark choisit Andy Lau, 48 ans, pour le rôle titre. Le réalisateur s’inspire de l’admirable péplum de Sergio Leone, Le Colosse de Rhodes, la statue géante représentant ici l’impératrice Wu Zetian, incarnée par Carina Lau. Film d’action à grand spectacle Détective Dee : le mystère de la flamme fantôme sort en Chine en 2010 et l’année suivante dans le reste du monde remportant un grand succès public et critique. Lors de sa diffusion française sur Arte le 27 janvier 2014, le film de Tsui Hark bat des records d’audience en réunissant 1,1 millions de spectateurs.
L’eau après le feu
Le succès du premier Détective Dee permet la mise en chantier d’une suite… qui en fait se déroule deux décennies plus tôt : La légende du Dragon des mers. Les intrigues parallèles s’entrecroisent avec le même brio que dans la littérature Gong’an. Ce ne sont plus seulement les récits qu’entrelace Tsui Hark, mais également les genres cinématographiques. A l’histoire d’amour sur fond d’intrigue policière historique, il superpose un vrai récit de cape et d’épée traditionnel basculant dans l’épopée mythologique. Comme dans le premier opus, un péplum occidental sert de référence : Le choc des Titans de Louis Letterier. Le Kraken est remplacé par une raie manta géante, tandis que le cheval blanc inspiré de Pégase a perdu ses ailes mais pas sa faculté de voler ni de galoper sous l’eau. Magnifique dialogue entre les mythologies grecque et chinoise !
Di Renjie n’est pas encore un juge célèbre mais un simple fonctionnaire débutant, à peine débarqué de sa province. Dans le rôle titre, le vétéran Andy Lau laisse la place au jeune Mark Chao, étoile montante du cinéma taïwannais. Carina Lau reprend son personnage d’impératrice, tandis que le rôle de la douce héroïne autour de qui se cristallise l’intrigue est tenu par la top model Angelababy, découverte dans l’excellent Kung fu « Steampunk », Taï Chi Zero. Le cinéaste partage son admiration pour le romantisme échevelé des poésies de la dynastie Tang, sans omettre de glisser un regard des plus circonspects sur les aléas du pouvoir politique. Après le feu du premier film, c’est l’élément aquatique que le cinéaste explore dans ce nouvel opus. Un élément liquide revêtant les formes les plus inattendues, dont une – contrepoison roboratif – ne serait pas désavouée par Austin Powers. Depuis Green Snake et The Lovers, Tsui Hark n’avait déployé à l’écran une telle sensualité romantique dans la mise en place des étoffes et des lumières. Grâce à la prise de vue en 3D exigeant des cadrages larges sur des actions plus longues que dans un film standard, le cinéaste se voit contraint de renoncer à son pêché mignon : les scènes d’actions sur-découpées, la succession hystérique de gros plans confinant parfois au surréalisme. Cette contrainte technique profite naturellement à la lisibilité et à l’élégance des scènes d’arts martiaux réglées par Yuen Bun, chorégraphe attitré du maître depuis 20 ans. Tsui Hark se montre à nouveau au sommet de son art avec cette œuvre éblouissante, susceptible de séduire le public le plus large. Ne manquez surtout pas le superbe générique de fin, qui outre un gag final, révèle une série de tableaux fantastiques illustrant ce que l’on suppose être les moments forts de la suite de la saga de Di Renjie. Une certitude confirmée par le maître lui-même : « À l’avenir, je souhaite continuer à consacrer d’autres films à cet extraordinaire héros de la culture chinoise ».
Christophe Champclaux
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Distribution
The Jokers en association avec Le Pacte
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