La Sorbonne du Budo

Par notre envoyé spécial à Katsuura (Japon), Cyril Guénet
 
 
L’Université Internationale du Budo (I.B.U.), située sur la côte pacifique du Japon, est la seule école au monde à proposer un cursus d’état dans le domaine des arts martiaux. Créée en 1984, l’I.B.U. a pour but de former des experts mondiaux, des instructeurs et même des agents des forces de l’ordre. Visite guidée d’une Université traditionnelle à la pointe du progrès.
 
 
5h30, gare de Tokyo. Le train qui relie la capitale au village de Katsuura vient de quitter la gare et m’emmène vers l’Université du Budo (ou I.B.U.) dans un voyage de 2h30. A mi-parcours, alors que les wagons se sont vidés, j’arrive enfin à retrouver mon hôte, Toshihisa Nagura, en tête de train. A la rentrée d’avril dernier (1), lui et Koji Wada du Dojo de Keio, ont été conseillés par la Japan Karate Federation (JKF) pour intervenir à l’I.B.U. afin d’y délivrer des cours de Karaté.
 
Un taxi nous dépose dans les hauteurs de Katsuura, au pied de l’université d’où nous pouvons voir la mer. Etonnamment, il n’y a pas de campus. Les étudiants sont tous hébergés dans diverses chambres d’hôtes et pensions au centre ville. Le site est absolument magnifique et le bâtiment central est unique au monde puisqu’il contient 4000 m2 de dojos, dont plus de 400 tatamis exclusivement réservés au Kendo ! Un standing obligatoire lorsque l’on place les frais d’inscriptions à 10 000 Euros par semestre.
 
Il faut dire, qu’à ce prix là, chaque professeur est un expert martial, ce qui augure un apprentissage de qualité. On peut également présumer que des maîtres comme Nagura San ne font pas cinq heures de train dans la journée pour le seul prestige d’enseigner à l’I.B.U. et que la compensation financière doit être à la hauteur du rang voulu par le Dr Matsumae, fondateur de l’I.B.U. en 1984, qui est également président de l’Université de Tokai et responsable du Nippon Budokan.
 
 10 000 Euros par semestre
 
 
Revenons justement à Me Nagura, 7e dan, qui est sur le point de donner son premier cours du matin à un groupe de débutants : « La classe d’aujourd’hui ne connaît rien au Karaté. Ces élèves ont pour ambition de devenir un jour instructeurs et doivent se mettre à la fois à la place d’élèves de Karaté devant comprendre le fonctionnement de l’art martial et de professeurs en analysant ma pédagogie. C’est mine de rien un travail très compliqué. »
 
Si beaucoup d’élèves sont déstabilisés devant leur premier cours de Karaté, ce n’est pas le cas de Nagura qui a été en charge du dojo de l’Université Columbia à New York, instructeur à Hong-Kong et professeur à l’Université Hitotsubashi de Tokyo pendant plus de quinze ans. Aujourd’hui responsable de la commission des dan de Keio et maître-instructeur au sein des dojos du même nom, il aborde avec facilité cette première classe.
 
Beaucoup de théorie, de dates, de notions physiologiques avant de passer à la pratique des premiers rituels de salut. « Ces élèves devront valider une unité d’enseignement à la fin du semestre en réussissant un examen écrit et une épreuve physique. Beaucoup d’entre eux ne continueront pas le Karaté et participeront à d’autres arts martiaux. »
 
L’I.B.U. propose à ses 2000 étudiants quatre niveaux d’enseignement et il faudra attendre la classe de 15 heures pour voir arriver des élèves ceintures noires, confirmés en Karaté. Parmi les arts martiaux enseignés à l’Université, on retrouve le Judo, le Kendo, l’Aïkido, le Shorinji Kempo, le Kyudo, le Naginata et également le Karaté. Les plus populaires sont le Kendo et le Judo avec plus de 200 élèves par classe.
 
 Restauration de vieux manuscrits 
Le Naginata n’est pas en reste avec une centaine d’inscrits et un club du soir, dirigé par Senseï Kimura Yashiko, experte et pratiquante depuis plus de 50 ans et Kyoshi de Naginata (l’un des degrés les plus élevés). Elle enseigne à l’I.B.U. depuis l’ouverture de l’université il y a 27 ans : « La majorité des élèves de ce cours sont des débutants, mais certains d’entre eux telles que mesdemoiselles Okadarisa et Takase pratiquent le Naginata de façon plus sérieuse ». Ce sont en effet les seules personnes à porter le Keikogi et le Hakama, la tenue traditionnelle. « Elles ont pour but de se spécialiser dans cet art martial : ici, il y a un dojo, un club du soir, des cours théoriques sur l’histoire et les maîtres de Naginata, des cours techniques sur l’arme en elle-même et beaucoup de cours pratiques. L’I.B.U. propose donc un programme complet et très dense à celui qui vient pour se spécialiser. »
 
Les étudiants sont principalement japonais mais certains étrangers participent au cours. Nous retrouvons justement au détour des jardins de l’Université un jeune français de 28 ans : Baptiste Tavernier, invité par la fédération internationale de Naginata. Arrivé il y a cinq ans, il est resté à l’I.B.U. et a intégré le pôle de recherche scientifique : « Le pôle était encore, il y a quelques années, la propriété du Nippon Budokan mais s’est rattaché à l’I.B.U. afin de travailler de concert.
 
Ce pôle est chargé de traduire, interpréter et éditer des ouvrages anciens sur les arts martiaux. Plus rare encore, nous avons également pour mission de restaurer de vieux manuscrits ! Certains écrits sur les arts martiaux sont inédits, et nous devons tout faire pour les rendre connus. Nous travaillons actuellement sur une traduction complète de Hyoho Sanjugo Kajo de Miyamoto Musashi, recueil écrit avant le célèbre Go Rin No Sho (traité des cinq roues). »
 
Il m’est malheureusement impossible de visiter le centre de recherche pour des raisons de sécurité. L’université est très sensible à son image et durant toute ma visite, je suis suivi de près par deux secrétaires chargés de vérifier ce que je fais.
 
(1) Au Japon, les cours commencent en avril
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