Tournoi européen de qualification olympique à Kazan

 Harnois aux Jeux, Gentil et Doucara hors jeu.
 
Seule Marlène Harnois (-57 kg) est parvenue à obtenir le quota olympique à Kazan (Russie) lors du tournoi européen (27-29 janvier) qui représentait l’ultime chance de participer aux J.O. de Londres.
Mamédy Doucara (-80 kg) est tombé au 1er tour et Pascal Gentil (+80 kg) au 2e, ce qui signifie sa fin de carrière. Une page se tourne dans l’histoire du Taekwondo tricolore.
 
Au soir du tournoi de qualification olympique, l’ambiance dans le camp français n’était guère plus chaude que les températures négatives du climat hivernal de la capitale du Tatarstan.
 
Dans l’antre de l’Akbars stadium de Kazan, les Tricolores n’ont en effet pas obtenu la moyenne en ne ramenant qu’un seul quota sur les trois espérés.
 
C’est Marlène Harnois (-57 kg) qui permet à la France de ne pas revenir fanny de Russie.
 
La championne d’Europe 2008, après un 1er tour aisément géré face à l’Azerbaïdjanaise Aghakishiyeva (15-6), rencontra plus de difficultés pour dominer la Hongroise Kotsis en quart de finale (7-5), alors qu’elle menait 4-0.
 
En demi-finale, combat synonyme de qualification en cas de succès (Ndlr : les trois premiers de chaque catégorie étaient qualifiés), elle bafouilla son Taekwondo face à la Serbe Gladovic et s’inclina 4-3.
 Harnois qualifiée mais déçue.
 
Il lui restait alors une unique chance de connaître les joies olympiques : dominer la Néerlandaise Louz dans le combat pour la 3e place.
 
Si on ne vit pas la Marlène Harnois des grands jours, elle assura le coup en plantant deux Pit Tchagui (2-0) puis un Nelyo Tchagui qui lui permit de s’envoler à dix secondes du terme (2-2, 5-2 puis 5-4 au final suite à des sanctions).
 
Pourtant qualifiée, Marlène Harnois sortit du tapis le visage renfrogné.
 
« Je suis vraiment déçue », déclarait-elle quelques minutes après. « Je n’ai pas été à mon meilleur niveau. D’habitude, je suis une folle sur un tapis.
 
Je combats au feeling, sans me poser de question. Là, j’ai voulu être parfaite dans ma gestion du combat mais ça ne me convient pas.
 
A l’avenir, je vais rebasculer dans ce que je sais faire : combattre à l’instinct. Mais, bon, je vais quand même boire une coupe de champagne ce soir (lire le 28 janvier) ».
 
Quand même !
 Gentil ne réussit pas son pari.
 
De son côté, Pascal Gentil n’a pas eu l’occasion de sabrer le champagne. Le double médaillé de bronze olympique français (2000, 2004) ne connaîtra pas ses 3e Jeux.
 
Il avait pourtant excellemment bien commencé sa journée avec une démonstration face au Slovaque Kaliska. Nelyo Tchagui, Dolyo Tchagui, poings…
 
C’était un nouveau Gentil qui était sur le tapis, refaçonné depuis septembre par Myriam Baverel à l’INSEP (voir par ailleurs).
 
Telle une cure de jouvence, le héraut du Taekwondo tricolore, âgé de 38 ans, a repris les bases. Sans forfanterie, il se joua de son adversaire avant la limite (12-0 à 1’20’’ de la fin).
 
Mais le plus dur était à venir. Du fait de son retrait pendant plus de deux ans, Pascal Gentil n’était pas tête de série et se retrouvait dans le tableau le plus difficile.
 
En quart de finale, il affrontait pour la 1ère fois le Turc Bahri Tanrikulu, triple champion du monde (2001, 2007, 2009) et vice-champion olympique (2004).
 
Mais le Français ne prit pas le combat par le bon bout. Le Turc fut fidèle à sa réputation de contreur. Il n’attaqua pas, mais contra par trois fois avec un Tit Tchagui et deux coups de poings.
 
A l’orée du 2e round, Pascal Gentil était mené 4-0.
 Folle fin de combat
 
Il réussit pourtant le tour de force de revenir à 4-4, notamment grâce à des pénalités. Il restait 48 secondes. L’espoir renaissait.
 
Le Français prit même l’avantage grâce à un Pit (5-4, 44 secondes à jouer), mais il se fit à nouveau piéger par un Tit, l’une des spécialités du Turc (5-6, 37 secondes du terme).
 
La fin donna lieu à un scénario complètement fou. A 2 secondes de la sirène, Tanrikulu est à nouveau sanctionné et prend un point de pénalité : 6-6.
 
L’entraîneur turc demande la vidéo. Sanction annulée. Retour à 5-6.
 
Dans le dernier mouvement, dans l’ultime seconde donc, le Turc pousse le Français. Il n’est pas sanctionné. Myriam Baverel demande à son tour l’aide de la vidéo.
 
Bien lui en prit. La sanction est infligée : 6-6. De dépit, Tanrikulu jette son casque à terre, ce qui est normalement directement sanctionné par un point de pénalité.
 
Pascal Gentil aurait dû l’emporter 7-6. Mais les arbitres ne l’ont pas entendu de cette oreille.
La victoire se joua donc au point en or. A 7 secondes de la fin, le Français lança un Pit. Mais le Turc avait positionné sa jambe en cut et son pied s’enfonçait dans le plastron.
 
Point ! C’était fini pour Gentil. Le ciel tombait sur la tête des Français. Le champion, lui, quittait dignement les lieux.
 
Gwladys Epangue, arrivée la veille, tombait en larmes dans ses bras. Le président turc lui donnait respectueusement l’accolade.
 
Une jeune volontaire russe y allait de son petit mot : « vous étiez notre préféré. On vous aimait tous. Je suis triste. » Lui aussi l’était mais ne le montrait pas.
 
« Je n’ai pas de regret. Je suis revenu, je me suis entraîné, je me suis battu et j’ai perdu », lâchait-il. « J’ai eu du mal à le cadrer car il est plus petit que moi.
 
C’est l’un des meilleurs combattants de la planète. Il a été plus offensif en prolongation. Il fallait que j’y aille. Et il marque sur une action bâtarde. C’est la fin d’une histoire. » 
 Doucara emporté par ses émotions.
 
Il se pourrait bien que ce soit aussi la fin d’une autre histoire, celle de Mamédy Doucara (-80 kg).
 
Devancé par Christophe Négrel en 2004, non qualifié en 2008, le champion du monde 2001 avait un coup à jouer à Kazan. Le tirage au sort avait été clément avec lui.
 
Mais il fut battu dès le 1er tour par le Néerlandais Tommy Mollet (5-4), qu’il avait dominé deux fois par le passé.
Le Français n’est pas apparu très en jambe. Après un 1er round brouillon (0-1), il décida d’attaquer sans cesse au 2e round. Mais il se fit piéger (0-4 au bout de 40 secondes).
 
Au 3e round, il parvint à revenir à 4-5 avec 1 minute à jouer. Mais il ne réussit pas à cadrer le Néerlandais ensuite. Les J.O. 2012 se dérouleront sans lui.
 
Ni les mots de Ramos, son coach, ni ceux de son pote Mickaël Borot, ne le consoleront. Mamédy Doucara resta prostré, enfermé dans une petite pièce toute la journée.
 
« Je suis très, très triste », lâchait-il le soir à l’hôtel. « Depuis 2002, j’ai toujours essayé d’aller aux J.O. C’est ma seule raison de rester dans le Taekwondo.
 
Je pense avoir été courageux. Il y a eu mes blessures (ligaments des deux genoux) et plein de conneries. Et je bute encore sur la qualification.
 
Le plus frustrant, c’est que je sais qu’aujourd’hui (lire le 29 janvier), c’était possible. Tommy (Mollet) n’est ni Lopez, ni Karami.
 
Mais, à un moment, je me suis laissé emporter par mes émotions. »
 
Les J.O. sans Français.
 
A 30 ans, Mamédy Doucara s’interroge fortement sur son avenir dans le Taekwondo. Après trois échecs olympiques, aura-t-il la force de repartir pour quatre ans?
 
« Je ne sais pas. J’ai besoin de temps pour y réfléchir. Si je remets une pièce dans le juke-box, c’est pour 4 ans. Ca fait beaucoup. Le Taekwondo, j’adore, mais il ne me fait pas vivre.
 
J’ai tout sacrifié, surtout ma carrière professionnelle (il est photographe). Cela fera partie de ma réflexion ».
 
Son élimination sonnait le glas des espoirs français.
 
Au contraire des Russes, Espagnols ou Turcs, qui seront en force à Londres, la France ne comptera aucun combattant masculin aux prochains J.O., ce qui est une première dans l’histoire et un constat frustrant.
 
Les Français ont peut-être manqué de cette folie, de cette hargne, de cette étincelle, de cette fougue qui façonnent les grands champions. En tout cas, pas de moyens.
 
Heureusement, grâce à Gwladys Epangue (+67 kg) et Marlène Harnois (-57 kg), la France alignera quand même deux athlètes à Londres (8-11 août), comme en 2000 (Gentil et Baverel) et 2008 (Borot et Epangue).
 
On peut raisonnablement croire que les deux Françaises peuvent monter sur le podium. Le challenge sera de ramener deux médailles d’or.
 Myriam Baverel
« Pascal n’a pas à rougir ».
 Vice-championne olympique en 2004, élue meilleur entraîneur du monde en 2009, Myriam Baverel coachait Pascal Gentil et Marlène Harnois à Kazan.
 
La France comptera deux athlètes aux J.O. sur quatre possible. Est-ce une bonne moyenne?
 
Non, c’est une très mauvaise moyenne. Nos deux qualifiées ont le potentiel pour une médaille, voire la médaille d’or. Mais, le truc, c’est qu’on devrait pouvoir aligner quatre athlètes et aller chercher quatre médailles. Je suis convaincue qu’on a la possibilité d’être la meilleure nation au monde. Il faut construire un vrai projet de performance. On ne peut pas être dans la réaction. Il faut toujours avoir un coup d’avance.
 Avec l’élimination de Pascal Gentil, une page se tourne…
 
C’est dans l’ordre des choses. Mais Pascal n’a pas à rougir de sa performance qui reste extraordinaire. Il est revenu au meilleur niveau mondial après deux ans d’absence.
 
Mais on savait que, dans son projet, on n’avait pas droit à l’erreur. J’ai surtout l’impression que j’ai manqué de temps avant.
 C’est-à-dire?
 
Je ne suis pas choquée par son entame dans le sens où cela peut arriver. Pascal ne fait rien dans le 1er round mais il fait le combat pendant les 6 autres minutes.
 
Ce qui est difficile à encaisser, c’est l’arrêt du projet sportif. Pascal est un athlète hors-normes. Pendant la préparation, il a accepté de faire une remise à plat pour apprendre le Taekwondo d’aujourd’hui, avec plastron, etc.
 
Il possède encore une marge de progression. On n’a jamais touché ses limites. Si on avait eu six mois de plus…
 Vous vous consolez avec la qualification de Marlène Harnois?
 
Oui et non. On ne peut pas être dans une grande satisfaction au vu de ce qu’elle a montré. Elle n’a été que l’ombre d’elle-même.
 
Elle ne pourra pas être championne olympique, alors qu’elle en a les capacités, si elle reste telle quelle. On a six mois devant nous et j’ai des pistes de travail en tête.
 Les qualifiés
 Hommes-58 kg
1. Denisenko (Rus)
2. Gonzalez (Esp)
3. Sanli (Sue)
 -68 kg
1. Fejzic (Ser)
2. Sobiewski (Pol)
3. Usarov (Ukr)
 -80 kg
1. Yeremyan (Arm)
2. Mollet (PB)
3. Garcia Hemme (Esp)
 +80 kg
1. Tanrikulu (Tur)
2. Molfetta (Ita)
3. Barkovic (Slv)
 Femmes
 -49 kg
1. Yague (Esp)
2. Manz (All)
3. Kim (Rus)
 -57 kg
1. Gladovic (Ser)
2. Mikkonen (Fin)
3. HARNOIS (FRA)
 -67 kg
1. Tatar (Tur)
2. Fromm (All)
3. Anic (Slv)
 +67 kg
1. Konieva (Ukr)
2. Mandic (Ser)
3. Rajher (Slv)
 
Par notre envoyé spécial à,Kazan (Russie), Ludovic Mauchien.

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