Il n’a qu’une ligne de conduite : la recherche de l’efficacité. Koshiro Tanaka vient de nous confirmer sa présence au 27e Festival des Arts Martiaux à Paris Bercy le 24 mars prochain.
Vous souhaitez réserver vos places dès maintenant, cliquez ici
Découvrez ce grand maître au parcours hors norme qui a pratiqué le Karaté Kyokushin, le Kung Fu et le Taijutsu.
Dans les années 80, il s’est rendu en Afghanistan pour former les Moujahidins et combattre l’armée soviétique. Il a, depuis, entraîné les unités d’élite de nombreux pays et fondé le Hiko Ruy.
Les stations de métro de Tokyo sont décidément immenses. Aussi, après avoir erré quelque peu à Shibuya, nous trouvons enfin la correspondance pour Ebisu. Nous y avons rendez-vous avec Usui Tadashi, un ami japonais qui nous a invités à rencontrer Koshiro Tanaka, un Budoka célèbre dans l’archipel nippon.
Les retrouvailles sont rapides, nous sommes en retard. A peine sortis de la gare, nous nous enfonçons sous la pluie dans une succession de petites rues. Après 10 minutes de marche, nous stoppons devant un immeuble de cinq étages. Rien n’indique qu’un Dojo se situe au sous-sol.
Une fois déchaussés, nous pénétrons dans un Dojo assez spacieux. Tadashi fait les présentations. J’offre un Omiyage (1) à Tanaka Senseï puis, rituel indispensable au Japon, nous échangeons nos cartes de visite.
Nous sommes une dizaine. Chacun s’échauffe individuellement. L’ambiance est cordiale, Tanaka Senseï prend des nouvelles des uns et des autres. Il m’interroge sur mon parcours dans les Arts Martiaux. Lorsqu’il apprend que j’ai débuté par le Karaté Shotokan, il me révèle que nous sommes dans l’ancien Dojo privé de maître Nakayama, figure légendaire de la JKA. L’immeuble appartient à sa femme qui lui loue le mythique Dojo Hoitsugan le samedi matin.
« Le Maître me prête son sabre ! »
L’entraînement débute par les Kihon de l’école Hiko Ryu. Ils se pratiquent avec un partenaire et permettent de travailler les déplacements et techniques de l’école. Assez rapidement, Tanaka Senseï enchaîne sur un travail d’esquive face à un partenaire armé d’un Shinaï, un sabre d’entraînement constitué de plusieurs lames de bambou.
Puis nous passons à un Kata avec un sabre court, le Kodachi, une spécificité du Hiko Ryu. Comme je n’en ai pas, Tanaka Senseï me prête le sien ! Les déplacements sont précis, rapides et similaires à ceux effectués lors du travail à mains nues. La porte d’entrée du Dojo a été laissée ouverte et un agréable courant d’air frais traverse la salle.
Le cours se poursuit durant deux heures. Il est constitué de l’étude de situations de combat à mains nues ou au sabre. De petits groupes se sont constitués et chacun travaille en autonomie sous l’œil vigilant du Maître. Celui-ci passe de groupe en groupe. Il n’est pas avare de conseils, de corrections, de précisions. Il est vrai que sa maîtrise de l’anglais facilite nos échanges.
Au fond du Dojo, Mami Kimura maîtrise, à l’aide de son Kodachi, les assauts d’un partenaire armé d’un Katana. Tanaka Senseï est particulièrement attentif à tous les détails.
Katana, Kodachi et Tanto…
Soudain, Tanaka Senseï demande à Tadashi de porter des attaques avec un Tanto, un grand poignard japonais. Face au danger, le Senseï est parfait de maîtrise physique et mentale. Précision et efficacité sont les deux mots qui caractérisent le mieux son travail. Ses réponses, passées à l’aulne de ses expériences de jeunesse en Afghanistan, seraient fulgurantes et mortelles… si elles n’étaient pas parfaitement contrôlées.
Le cours se termine, les armes sont rangées. Tanaka Senseï se prête encore à quelques photos. Il nous invite à revenir partager un entraînement sous sa direction.
Nous partons déjeuner au restaurant. Le « Japonais » étant fermé, c’est devant une pizza que nous réaliserons une interview de Tanaka Senseï.
Tanaka Senseï, quel est votre parcours dans les Budo et pourquoi avoir créé l’école Hiko Ryu ?
J’ai débuté par la pratique du Karaté Kyokushin, puis du Kung Fu. J’ai ensuite pratiqué le Taijutsu de l’école Fuji Ryu. Mon premier Senseï s’appelait Koga Fujito. Il a fondé l’école Fuji Ryu en 1952. En parallèle, j’ai poursuivi ma pratique d’autres Budo comme le Karaté.
En 1991, Fujito Senseï m’a confié son école. Je suis donc devenu le 2e Soke du Fuji Ryu. J’ai moi-même transmis la charge à l’un de mes élèves en 2007. J’avais quelques soucis de santé.
Puis, en 2009, j’ai créé Hiko Ryu. J’y enseigne le Taijutsu et le Kodachi. Hiko Ryu est la synthèse de mon parcours dans les Budo.
« La symbolique de la montagne à gravir, du Do… »
Quelle est la signification de Hiko Ryu ?
Hiko est le nom d’une montagne sur l’île de Kyushu, près de Fukuoka. Enfant, j’habitais dans un village près de cette montagne. Hiko Ryu me rappelle mon village natal. Et puis, il y a la symbolique de la montagne à gravir, du chemin à trouver, du Do…
Quelles sont les disciplines enseignées en Hiko Ryu ?
Le Taijutsu et le Kodachi. Mon Taijutsu comprend des techniques de frappes avec les mains, les poings, les pieds, les coudes, la tête… Il est aussi composé de clefs articulaires et de projections. Ma pratique est uniquement orientée vers la recherche de l’efficacité. Le Hiko Ryu est un Taijutsu efficace.
Le Kodachi est la dernière arme du samouraï. C’est un sabre de petite taille. Son travail est intéressant car, de par sa taille, il oblige à défendre face à un adversaire tenant une arme plus longue, un Katana par exemple. Il faut donc défendre, mais en gardant à l’esprit qu’il faut aller de l’avant !
« Synthèse des Budo japonais et chinois »
D’où viennent vos élèves ?
Cela dépend. Certains, comme Tadashi, pratiquaient le Karaté et l’Iaïdo. Nemoto a fait du Kick-boxing et du Karaté. Nikishi a aussi fait du Kick-boxing. Il a même été champion du Japon. Kimura a beaucoup pratiqué l’Iaïdo.
Avez-vous mis en place un système de grades en Hiko Ryu ?
Non, pas de grades (rires). L’école est jeune. Je souhaite surtout que mes élèves s’entraînent et progressent. Les grades, ce n’est pas très important.
Peut-on considérer que Hiko Ryu est une école traditionnelle ?
Oui, Hiko Ryu est une jeune école. Elle représente la synthèse de mon parcours dans les Budo japonais et chinois. Son contenu est issu de diverses écoles traditionnelles : Taijutsu, Jujutsu, Karaté Kyokushin, Kung Fu, Iaïdo… En cela, c’est une école traditionnelle.
« Nous étions comme des frères »
En 1984, vous êtes allé en Afghanistan pour six ans. Pouvez-vous nous parler de cet épisode de votre vie ?
J’ai vécu en Afghanistan de 1984 à 1990, dans les régions de Kaboul, de Jigdalak, de Takhar et de Kunduz. Je luttais contre l’ex-Union soviétique. Je considérais que c’était une guerre juste.
Je voulais aussi mettre à l’épreuve ma détermination. Comment allais-je réagir dans des situations de vie ou de mort ? Etais-je prêt à mourir pour donner la mort ? J’ai recherché l’étape finale des Budo, la rencontre avec la mort.
Avez-vous enseigné les Budo à cette époque ?
Mes compagnons faisaient partie de la rébellion afghane. Ils combattaient les Soviétiques. Je leur enseignais le Taijutsu pour les préparer au corps à corps.
Avez-vous rencontré le Lion du Panchir, le commandant Massoud ?
Oui, Massoud était mon ami… (Tanaka Senseï a un geste de la main évoquant la fatalité) (2). Quand je l’ai rencontré, Massoud était le commandant de la Jamat-e-islami à Tarakan, dans l’état de Takhar. Je combattais moi-même dans les forces de Mohamad Anwar. Nous avons été compagnons d’armes pendant cinq ou six mois. Nous étions comme des frères.
« Massoud m’a envoyé au Pakistan… »
Est-ce lui qui vous a donné votre surnom ?
Je ne sais pas, mais effectivement j’avais un surnom. Mes frères d’armes m’appelaient « Fighting ».
Le commandant Massoud vous avait chargé d’une mission importante. Quelle était-elle ?
Massoud m’a envoyé au Pakistan avec pour mission de rendre compte de la situation en Afghanistan auprès des ambassades américaine et japonaise. Je fus surpris. C’était la première fois que j’avais à faire une telle démarche.
Massoud pratiquait-il les Budo ?
Il se battait ! Lorsqu’il est devenu ministre de la défense, je lui ai attribué un 5e dan d’honneur de l’école Fuji Ryu (à cette époque, Tanaka Senseï était le responsable, le Soke, du Fuji Ryu).
« S’entraîner, s’entraîner, s’entraîner… »
A cette époque, les Arts Martiaux vous ont-ils servi ?
Oui, dans certaines situations ils m’ont été utiles, très utiles…
Avez-vous des bons souvenirs de votre période afghane ?
Oui, bien sûr. Des souvenirs inoubliables et de très bons amis !
Avez-vous enseigné dans d’autres pays ?
J’ai enseigné dans de nombreux pays, pour les forces d’élite de l’armée ou de la police. En Thaïlande, au Pakistan, au Vietnam, aux Philippines, au Koweit, aux Etats-Unis, au Tibet.
Quel conseil donneriez-vous à un Budoka au XXIe siècle ?
De s’entraîner, s’entraîner, s’entraîner. Et s’entraîner encore !
Vous vous entraînez encore ?
Bien sûr ! Tous les jours>.
Par Ludovic Mauchien – Photo: Muriel Fauchard
Retrouvez cet homme extraordinaire à travers les photos parues dans le magazine Karaté Bushido de Juillet/Août 2011, ici
Hiko ryu – Koshiro TANAKA par shinghitai
Réservez vos places en ligne pour le Festival en cliquant ici