Il y a des gens comme ça, allez savoir pourquoi, que l’on préférerait compter parmi ses amis plutôt que ses ennemis. Brice Guidon est de ceux-ci.
Avec son 1,97 m, ses 106 kg, ses mains larges comme des battoirs et ses deux titres de champion du monde de boxe thaï en catégorie poids lourds, ce jeune homme de 26 ans n’a pas besoin de forcer son naturel pour en imposer.
Être taillé comme un fort des halles n’empêche pas, ceci dit, de faire assaut de courtoisie et de simplicité, comme nous avons pu le constater ce jour-là dans la salle d’entraînement privée qu’il a ouvert, en septembre dernier, à Saint-Pierre-des-Corps. Lion en cage, agneau en dehors : ainsi en va-t-il souvent de ces gladiateurs des temps nouveaux que sont les pratiquants des boxes « pieds-poings » (boxe thaï, kick-boxing, full contact….).
Dans sa discipline, Brice Guidon est l’un des rares Français à vivre de son (noble) art.
A 18 ans, il est parti s’installer aux Pays-Bas, où la boxe thaï est une institution, pour rejoindre les rangs du Mejiro Gym, l’un des tout meilleurs clubs existants. Revenu il y a peu dans sa Touraine natale, mais toujours licencié à Amsterdam, il effectue entre cinq et huit combats par an.
Le prochain aura lieu le 23 mars à Moscou contre une star des rings, le Néerlandais Semmy Schilt, un joli bébé de 2,10 m et 128 kg qu’il affrontera dans les règles du K1 (compétition dérivée où les coups de coude et les saisies sont interdits).
Sa bourse de participation est de 10.000 dollars ; elle passera à 15.000 dollars en cas de victoire. La vie de boxeur pieds-poings serait douce, et les coups des caresses, si les dotations étaient toutes de ce niveau. A quelques rares exceptions près, Brice Guidon tourne plutôt aux alentours de 3.000 euros par combat.
« Je ne vais pas me plaindre, dit-il. Je suis heureux d’en vivre alors que la plupart des pratiquants français sont obligés de travailler à côté. »
Il n’empêche qu’on est loin du compte. Loin, surtout, des promesses que portait en elle la discipline à la fin des années 90.« Cela fait quinze ans qu’on répète que la boxe thaï va exploser et que ce sera le sport de demain, rappelle Brice Guidon.Au final, les conditions sont les mêmes et tout se fait un peu à l’arrache. Les parents ont toujours peur d’inscrire leurs enfants, la médiatisation n’a pas progressé. Ce n’est pas que je n’y crois plus, mais je sais que cela restera un sport confidentiel. »
Quand on a grandi en regardant « assidûment » les films de Bruce Lee et de Jean-Claude Van Damme entre deux combats de boxe thaï sur Canal +, la désillusion peut paraître grande, avouons-le.
Partant de là, que voulez-vous que fasse Brice Guidon ? Lorgner vers le MMA pardi !
Petite parenthèse à destination des néophytes : mélange de plusieurs sports de combat et arts martiaux (boxe anglaise, boxe pieds-poings, judo, karaté, jiu-jitsu, lutte…), le Mixed Martial Art (MMA) est la discipline dont la côte n’en finit pas de grimper chez les amateurs de sports de combat. Pratiqué dans une cage dans certains pays, celui qu’on appelle également « free fight » (combat libre) est interdit en France où les autorités le jugent trop violent et avilissant car les pratiquants peuvent frapper leurs adversaires quand ceux-ci sont au sol.
Une barbarie au pays des Lumières. Où les tenants de la légalisation et les opposants rivalisent à coup d’arguments depuis maintenant plusieurs années.« Il n’est pas exclu que je bifurque un jour vers le MMA », indique Brice Guidon qui a conscience qu’il lui faudra apprendre les techniques de prises au sol qu’il ignore totalement.
Le gaillard n’est pas contre une nouvelle expatriation dans un pays où la pratique est autorisée (Etats-Unis, Japon, Grande-Bretagne…) mais préférerait que la France tolère un jour la discipline, ce qui est un vœu pieu pour le moment.« Le MMA est un sport et non du combat de rue, argumente-t-il. Les combattants sont des athlètes entraînés et consentants. Certains peuvent trouver dégradant de frapper un homme à terre, mais l’homme à terre n’a qu’une envie : faire de même à son adversaire. »
Ne voyez pas en Brice Guidon, dont le surnom est Nectar, un mercenaire avide de coups et de gains sonnants et trébuchant. Le dimanche, il joue deuxième ligne dans un club de rugby de campagne, à Luynes, à un niveau très amateur. Juste pour s’amuser.
Source : saintpierredescorps.blog.lemonde.fr