C’était la grande première du Pro Fight Karaté à Levallois le 18 novembre, après deux tournois tests. Le concept de Guy Sauvin et Alain Setrouk apparaît de plus en plus attractif.
Côté combats, les fameux spinning back fist, Ushiro geri et Kakato ont été remis à l’honneur grâce, notamment, à Vang Moua, Hamza Ridène, Mathias Charpentier et Cédric Ameline, les quatre vainqueurs. Ca promet…
Une saveur particulière flottait sur le Palais des Sports Marcel-Cerdan à Levallois le 18 novembre dernier. Dès l’entrée au pas des douze gladiateurs, vêtus en Dogi blanc, sweat noir et capuche sur la tête, on sentit un vent nouveau souffler au rythme envoûtant des tambours japonais de Wadaiko Makoto.
Devant les yeux d’Ophélie Winter, Enrico Macias, Jean-Luc Lahaye, Dida… et sous l’œil attentif du président de la FFKaraté, Francis Didier, apportant tout son poids à ce concept, le Pro Fight Karaté s’ornait de ses habits de lumière, après seulement deux tournois tests disputés en un an.
Le Karaté professionnel, œuvre de Guy Sauvin, 8e Dan, et Alain Setrouk, 8e Dan, c’est du K.O. (recommandé), des coudes, des genoux, des projections, du sol… dans les canons du Code du Bushido. « Ethique, courage, respect, honneur », définissait Alain Setrouk, qui poursuivait à l’issue de la soirée : « je suis admiratif du courage des combattants et de leur comportement, d’autant plus qu’ils évoluaient dans un système nouveau pour eux. »
Sanda, Karaté Shidokan, Shindokaï et Kyokushinkaï, Boxe thaï et Kick boxing. Les écoles étaient diverses. Les règles particulières (voir encadré) favorisent le spectacle et l’efficacité des frappes.
Vang Moua, le geste parfait
Pour sa première apparition en Pro Fight, il y en a un qui a très bien compris les desiderata des concepteurs : Vang Moua (-70 kg). Champion d’Europe de Sanda, le Limougeaud est à créditer du plus beau K.O. de la soirée aux dépens de Fabrice Riconneau, du geste parfait, même. « Son Ushiro ? J’applaudis à deux mains », sourit Alain Setrouk. « Quand une technique est dans le timing, claire et nette, c’est K.O. C’est ce que je veux voir. »
L’autre demi-finale a vu la victoire du Marocain Rachid Boumalek face à Johnny Tancray, vainqueur à Coubertin en avril dans la caté supérieure. Un guerrier de Boumalek ! Variant aisément ses coups, multipliant les zones d’impact, il touche Tancray d’un magnifique Mawashi Jodan dans le 3e round avant de se… démettre l’épaule. Allongé sur le tatami, il récupère son bien grâce à l’intervention du médecin et gagne aux points !
En finale, Vang Moua a de nouveau tenté son coup de pied retourné au foie (Ushiro) mais sans le succès escompté. Il aura dû attendre la décision, donnée après un extra-round, pour lever les bras et s’adjuger la 116e victoire de sa carrière (dont 82 K.O.) sur 138 combats ! « On se craignait car on a le même style avec Rachid. On est deux contreurs donc on s’attendait », s’excusait presque Vang, coaché par son père Yia. « L’Ushiro ? Oui, je le travaille beaucoup.
Avec mon père, on est issu de six générations de Sanda. Cela ressemble au Pro Fight, même si le concept du PFK est très original. Il donne beaucoup de libertés aux combattants. »
Ridène, Mister « spinning back fist »
La liberté de mouvement, Hamza Ridène (-80 kg) apprend vite à en profiter. 3e du premier tournoi test, finaliste du second en avril dernier, le Niçois s’est fait une spécialité des Spinning back fist. C’est d’ailleurs sur un coup de coude retourné qu’il va remporter sa finale face à Jimmy Iftène, par arrêt de l’arbitre à 20 secondes de la fin du 2e round. « 3e, 2e et maintenant 1er. Je progresse ! », souriait Hamza Ridène, lui aussi entraîné par son père, Mouldi. « J’ai changé mon entraînement pour m’adapter à ce que veulent Mrs Setrouk et Sauvin. J’ai beaucoup travaillé le back fist, et d’autres techniques aussi. Je les placerai la prochaine fois… »
Son succès en demi-finale face à Yayah Sedadi, bien qu’aussi obtenu par T.K.O., laisse un goût d’inachevé. Après une tentative de coup de pied sauté retourné, Sedadi se relève sans se protéger, pensant le combat arrêté. Ridène lui assène alors un crochet droit qui le sonne au point que l’arbitre le stoppe. Erreur d’arbitrage ? Incompréhension du règlement ? Alain Setrouk nous éclaire : « L’arbitre fait une petite faute. Il aurait dû ramener les combattants au centre du tatami. On va en reparler pour éclaircir ce point. Mais on ne peut rien reprocher à Hamza. On est dans un combat professionnel et il a vu une opportunité. Et, d’un autre côté, c’est une leçon de vigilance pour Yayah. Dans un combat, on ne doit jamais se relâcher. »
Dans l’autre demi-finale, Jimmy Iftène, qui remplaçait au pied levé Karim Ghajji, blessé mais présent dans son coin, était auparavant difficilement venu à bout du Belge Mourad Hosni.
Makaiev, quel valeureux guerrier
Vainqueur à Toulon, finaliste à Paris, Mathias Charpentier-Girard voulait reprendre la main à Levallois. Résultat ? Deux combats, deux arrêts avant la limite ! En demi-finale face au Tchétchène de la Gracie Barra – Côte d’Azur, cela dura moins d’un round. Tamerlan Makaiev, champion d’Europe de Jiu Jitsu en 2006, rompu aux combats de Kick et de Thaï, finit par plier à quelques secondes de la cloche sur un coup de genou gauche puis un Ushiro Mawashi geri au visage. Mais quel valeureux guerrier, ce Makaiev, seulement prévenu une semaine avant. « Je ne sais pas comment il a réussi à tenir debout », s’étonnait Alain Setrouk. « Il n’était pas très technique mais ses frappes étaient lourdes. Il m’a donné mal à la tête », en souriait après coup Mathias Charpentier.
En finale, l’élève de José Galluccio retrouvait Stéphane Attely, vainqueur de justesse du tenant du titre, le Belge Laurent Attrifi, dans l’autre demi-finale (décision). Cela promettait… D’un côté, un ancien champion d’Europe de Sanda de 36 ans, pro en Kick boxing, comptant 141 combats pour 129 victoires (dont 68 K.O.). De l’autre, Mathias Charpentier, 28 ans, du Karaté Shidokan, champion de France de Kempo, 2e en Karaté Contact et investi dans les stages de Pro Fight. Ce fut un ouragan…
Charpentier, l’électricien
Stéphane Attely est compté une première fois au bout de 25 secondes sur un coup de genou au foie. Puis il se retrouve K.O. debout après avoir été électrocuté par un enchaînement de crochet de Mathias Charpentier-Girard qui l’emmena au tapis. Le tout en 1 minute !
« J’avais regardé son premier combat », analysait le vainqueur. « Je ne voulais pas le laisser travailler, le laisser respirer. J’ai voulu lui mettre la pression, faire la différence tout de suite car je craignais de me prendre un contre. C’est un client ! Et avec la chance, je l’ai touché. » Arrêt de l’arbitre.
Ce revers n’a cependant pas affecté Stéphane Attely outre mesure : « Le Pro Fight est assez proche du Sanda sauf que l’on combat avec des mitaines. Le concept me plaît. C’est vraiment du combat réaliste. Pour la finale, j’avais vu comment Mathias combattait mais… » Une revanche s’imposerait-elle ?
Ameline assaillit Hamailli
La palme du plus valeureux combattant de la soirée pourrait aussi revenir à Jessy Santini. Le Niçois, plus attentif à son mariage qu’à son entraînement ces derniers mois, n’a pas hésité à accepter le défi que lui proposait les organisateurs : pallier un forfait de dernière minute.
Loin de son meilleur niveau, il subit la foudre de Mass Hamailli. Plusieurs fois touché, le visage ensanglanté, il ira au bout de ses forces, montrant un courage et une abnégation peu commune. Le porte-drapeau de Gilles Richard, en Shindokaï, livra ainsi le combat le plus intense de la soirée. Hamailli l’emporte logiquement à la décision.
En finale, il va retrouver Cédric Ameline, Kyokushinkaï de formation, élève de Jean-Marie Merchet à Haute Tension. Lors de son premier combat, ce dernier s’est défait à la décision de Steven Duvivier (Kempo).
En finale, il va montrer une autre facette, une autre envergure de son Karaté. Propre techniquement, Cédric Ameline va littéralement assaillir Mass. Hamailli. Il le touche une première fois sur un crochet gauche. Hamailli est compté (au bout de 40 secondes). 25 secondes plus tard, c’est sur un crochet droit qu’Ameline l’envoie une 2e fois au tapis. L’arbitre stoppe les débats. « Pour un lourd, il est très rapide. Il possède un potentiel certain », admirait Alain Setrouk.
12 combats, 6 arrêts avant la limite
Un show enlevé, douze combats, six arrêts avant la limite, des techniques très propres, des joutes enlevées… Le Pro Fight progresse d’édition en édition mais doit encore évoluer et le règlement être mieux appréhendé.
« Le bilan ? C’est simple… Je ne suis pas du genre à être satisfait », conclut Alain Setrouk. « Mais, au vu de ce que j’ai entendu, je pense qu’on a réussi notre soirée. Il n’y a jamais eu autant de people dans les Arts Martiaux et je trouve que, dans l’ensemble, les gars s’en sortent plutôt bien vu qu’ils combattent dans un système qu’ils connaissent mal. »
Compagnon de route de Masutatsu Oyama, fondateur du Kyokushin Jutsu Eskrima, aguerri au terrain, Alain Setrouk possède une expérience incomparable et une conception bien établie de l’efficacité en combat. « Il existe des choses à améliorer. Par exemple, les combattants ne savent pas encore se servir du travail des mains pour des demi-saisies, des poussées avec des frappes. Et projeter pour ne rien faire derrière, ça nous gêne, avec Guy (Sauvin) », analyse-t-il.
« On parle Arts Martiaux »
« C’est surtout en cela que l’on se différencie d’autres sports de combat, comme le MMA. J’ai beaucoup de respect pour les combattants en cage mais nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde. On se situe à mi-chemin. On parle Arts Martiaux. On a appris à démontrer une capacité à vaincre sur une combinaison ou une attaque et on l’a appliquée des dizaines de fois. Pourquoi pas la génération d’aujourd’hui ? Debout ou au sol, je demande aux gars de me démontrer qu’ils sont susceptibles de sortir une technique amenant un K.O. Et, surtout, je ne veux pas que les combattants s’installent au sol. C’est trop long et répétitif. On n’est donc pas dans la même optique. Je vais les faire travailler en stage dans ce sens-là ». Pour ceux qui n’en ont jamais fait avec Alain Setrouk, c’est une expérience unique à vivre… Chiche ?Les résultats complets
Poids légers (-70kg)Demi-finalesVang Moua (Sanda/Team El Quandili) b. Fabrice Riconneau (Muay thaï, Bittan Acadmey), K.O. 1er round.Rachid Boumalek (Karaté Shidokan, Soussi Dojo/Maroc) b. Johnny Tancray (Karaté ShindoKaï, Kime Dojo Nice), décision.FinaleVang Moua b. Rachid Boumalek, décision après extra-round.Poids moyens (-80kg)Demi-finalesHamza Ridène (Karaté, ASPTT Nice) b. Yayah Sedadi (Kyokushinkaï, Shark Boxing Massy), T.K.O. 1er roundJimmy Iftène (Kick boxing/Sambo, Team El Quandili) b. Mourad Hosni (Karaté Shidokan/Boxe thaï, Belgique), décisionFinaleHamza Ridène b. Jimmy Iftène, T.K.O. 2e roundPoids mi-lourds (-90kg)Demi-finalesMathias Charpentier-Girard (Karaté Shidokan, Stade Laurentin) b. Tamerlan Makaiev (Karaté Shidokan, Tchétchénie), T.K.O. 1er roundStéphane Attély (Sanda, Team El Quandili) b. Laurent Attrifi (Karaté Shidokan, Belgique), décisionFinaleMathias Charpentier-Girard b. Stéphane Attély, T.K.O. 1er roundPoids lourds (+90kg)Demi-finalesCédric Ameline (Kyokushinkaï, Haute Tension) b. Steven Duvivier (Kempo club 76), décisionMassinissa Hamailli (Boxe thaï/Kick boxing, Faucon Gym) b. Jessy Santini (Karaté Shindokaï, Kime Dojo Nice), décisionFinaleCédric Ameline bat Massinissa Hamailli, T.K.O. 1er roundExtra-fightJean-Baptiste Serpagli (Shindokaï, Kime Dojo Nice) b. Fabrice Monrose (Boxe thaï, Haute Tension), T.K.O. 3e round
Le règlement
Durée : 3 fois 2 minutes plus 1 extra-round.Techniques autorisées. Projections (notamment par saisie aux jambes) suivies par une frappe. Balayages. Frappes : au visage : avec les poings (direct, circulaire, revers), mains ouvertes (paume ou tranchant), avant-bras, coude, genou et toutes les techniques de jambe. Au corps : idem, sans les frappes mains ouvertes et avec l’avant-bras. Au niveau inférieur : low-kick intérieur et extérieur, genou.Techniques prohibées : coups dans le dos, la nuque, les lombaires, les articulations et le bas-ventre. Sol : le frappeur doit être debout, sur ses deux pieds. Maximum cinq secondes. Coups de poings au buste exclusivement.
Propos recueillis par Ludovic Mauchien