Propos recueillis par Ludovic MauchienYoshinao Nanbu est un homme en perpétuelle réflexion. Dès 1978, il posait les bases de l’œuvre de sa vie, le Nanbudo. Aujourd’hui, il poursuit encore et toujours ses recherches. Les 11 et 12 juin prochains, à Paris, plus de 100 compétiteurs de 10 pays montreront les nouvelles évolutions de la « voie de l’énergie », à l’occasion de la 1ère Coupe d’Europe du genre. Rares sont les personnes à faire l’unanimité. Yoshinao Nanbu est de celles-ci. Mis à part sur les tatamis japonais et français dans les années 60, il ne s’est jamais départi de son large sourire respirant la gentillesse et l’humanisme. Le son de sa voix et le flot de ses paroles sont comme une douce mélodie martiale aspirant à l’harmonie.Le pas toujours vif et alerte, il se déplace rarement sans ses cahiers remplis de notes, de réflexions, de schémas. Certains sont patinés par le temps, écrits il y a plus de trente ans. Celui qu’il a apporté le jour de l’interview n’a pas eu le temps de jaunir au soleil. Il contient ses dernières réflexions, ses ultimes recherches sur la « Voie de l’énergie », le Nanbudo, qu’il a fondé en 1978. Tous ses écrits, s’ils étaient rassemblés, constitueraient une extraordinaire thèse sur l’essence et la finalité de la pratique des Arts Martiaux.
Ceinture noire de Karaté à 16 ans, il fut un redoutable combattant et c’est comme champion du Japon qu’il débarqua en France en 1964. Il abandonne cependant rapidement la compétition pour laisser place à la réflexion. Certainement était-ce sa destinée avec un arrière grand-père Yokozuna (titre le plus prestigieux en Sumo), un oncle haut gradé en Kendo, un autre 9e dan de Judo (M° Togashi), un père 5e dan de Judo et une mère experte en Naginata !
Dès 1972, Yoshinao Nanbu crée le Sankukaï, une école dérivée du Karaté Shukokaï, fondé par son maître, l’illustre Tani (9e dan de Shito-ryu). En 1978, il va encore plus loin dans sa réflexion et lance le Nanbudo. Aujourd’hui, cet art est pratiqué par plusieurs milliers de personnes dans plus de 40 pays.
Après l’organisation de six championnats du monde, Yoshinao Nanbu décidait de stopper court à toute forme de tournois. C’était il y a cinq ans. Les 11 et 12 juin prochains, au gymnase Léo Lagrange (Paris 12e), le Nanbudo renaît à la compétition à l’occasion de la 1ère Coupe d’Europe, organisée conjointement par la FFKaraté et la WNF (World Nanbudo Federation), qui réunira dix pays et plus de cent participants.
Pourquoi aviez-vous décidé d’arrêter d’organiser des compétitions ?
Je n’étais pas satisfait du système mis en place. Il ne correspondait pas suffisamment à l’idée que je me fais de l’expression de l’art martial. Ce n’était pas très joli et il fallait que je réfléchisse sur des modifications. Dans mon esprit, une compétition, c’est la fête. Cela doit être le moyen de montrer la maîtrise de sa technique. Il ne s’agit pas de réagir en termes d’adversité, de montrer que l’on est plus fort que la personne en face et encore moins de le blesser.
Quel est le concept que vous avez mis en place ?
Il y a du Kata et combat individuel et par équipes. En Kumite, j’ai appelé ce système le « Ju Randori ». Il s’agit de combats semi-codifiés qui se composent de sept assauts exécutés alternativement par les deux combattants : trois coups de poing, deux coups de pied directs, deux coups de pied circulaires. Mais le compétiteur qui joue le rôle de Uke (celui qui défend) ne sait pas quelle attaque son adversaire va lancer. Il doit répondre avec une technique parfaite : esquive, contre-attaque en atemis de pieds ou de poings ou balayage ou encore projection. Le contrôle de la technique est primordial.
Comment sont départagés les compétiteurs ?
Trois arbitres notent la prestation technique de chacun, à la fois dans son rôle d’attaquant et de défenseur. Le compétiteur qui aura obtenu le plus de points sera déclaré vainqueur. L’idée du combat en Nanbudo est plus un moyen d’expression qu’un affrontement entre deux personnes.
Mais les compétiteurs s’expriment au moyen de techniques parfois très spectaculaires et qui demandent beaucoup d’entraînement et de bonnes capacités physiques. L’esprit que montre les Nanbudokas est très important. L’éthique et le fairplay sont indissociables de la compétition.
Il s’agit donc de mettre la technique en valeur. Et l’efficacité ?
L’efficacité commence par la maîtrise de la technique. Savoir se défendre est un objectif logique. Ce n’est pas pour autant qu’il faut blesser son adversaire en compétition, voire le handicaper en lui cassant une jambe, un bras ou autre chose.
On voit bien si un pratiquant possède un bon timing, un bon déplacement et la maîtrise de ses frappes, que ce soit au visage ou au corps. Pas besoin de faire mal à quelqu’un. Cela étant, certains de mes élèves combattent en Karaté, en Jiu Jitsu, en compétitions au contact comme à l’Open inter-disciplines de la FFKaraté. Je n’y vois aucun inconvénient. Et ils font des résultats.
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En quelques dates
1943 Naissance le 13 février à Kobe (Japon)
1948 Commence le Judo
1956 Débute le Kendo, le Bo, le Iaïdo et le Karaté Shito-ryu
1959 Obtient sa ceinture noire
1963 Champion du Japon de Karaté
1964 Arrive en France
1972 Crée le Sankukaï
1978 Fonde le Nanbudo
2008 Devient 9e dan
2011 Le Nanbudo est présent dans 40 pays
Les 7 forces du Nanbudo
1 Tai Ryoku / la force physique
2 Tan Ryoku / le courage
3 Handan Ryoku / le discernement
4 Danko Ryoku / l’action
5 Sei Ryoku / l’énergie positive
6 No Ryoku / l’habileté intellectuelle
7 Seimei Ryoku / la force vitale